6 de abril de 2015

Le génocide des Indiens du sud du Chili que l'histoire officielle a essayé de cacher


L'ARTICLE ORIGINAL PUBLIÉ PAR EL MOSTRADOR.CL, 13 agosto 2014 
(Traduction al francés Christophe Cotte y Ana G. Bautista).

Après plusieurs années de recherche au Chili et en Argentine Patagonie, l’historien espagnol José Luis Alonso Marchante a publié "Menendez, roi de Patagonie", le texte définitif, selon les experts, sur la réalité de l’extinction des Selk'nam à Tierra del Fuego, qui était en fait commandée par José Menéndez, le grand propriétaire du sud du Chili, dont la famille a deux musées distincts à Punta Arenas, et qui est crédité du développement économique de la région.


L’an dernier, l’historien espagnol José Luis Alonso Marchante trouve à la Bibliothèque nationale d'Espagne, le texte original "Trente ans de Terre de Feu", du salésien missionnaire et grand naturaliste Alberto de Agostini. Avec ce livre entre les mains, l'historien a constaté que dans les éditions actuelles du texte, y compris de 2013, il manque des paragraphes. Dans les textes censurés, le missionnaire était implacable: l’extinction de la population de Selk’nam dans la Patagonie chilienne et argentine n’était pas le fruit de leur "gourmandise ignorante", des "guerres tribales" ou de leur "physique misérable" raconté depuis de nombreuses années dans l'histoire officielle, mais le produit de l’extermination et de l'expulsion ordonnée par un seul homme, Jose Menendez, le grand propriétaire terrien de la pointe sud du Chili.



"Les explorateurs, les éleveurs et les soldats n’avaient pas de scrupules pour attaquer les misérables Indiens, comme s’il s’agissait d'animaux ou de jeux", lit-on dans les paragraphes censurés (De Agostini, 1929: 244).
Cette constatation ainsi que d'autres témoignages importants sont contenus dans le livre "Menéndez, roi de Patagonie"  (Editorial Catalogne), récemment édité au Chili et qui, selon les historiens experts en Patagonie, comme Osvaldo Bayer, serait "le livre définitif sur la réalité de ce qui a eu lieu dans le sud du Chili et de l'Argentine."


"Il y a deux choses qui m'ont frappé dans la recherche: le génocide de tout un peuple (de Selk’nam) au XXe siècle et le destin tragique des travailleurs (également massacrés) qui travaillaient sur ces terres", dit Alonso Marchante presque au début de la conversation avec Culture + Ville , ce qui explique sans euphémisme la nature de la responsabilité pénale de celui qui était aussi le grand-père de Enrique Campos Menéndez, écrivain et éditeur des factions militaires du coup d'Etat de Pinochet.



CENSURE

La censure dans le texte de De Agostini, dit Alonso Marchante, a été plus une autocensure que les religieux ont appliqué à leurs livres après que la congrégation ait été mise sous pression par la volonté de Menéndez de changer l’histoire, et de blanchir le massacre réalisé par le latifundista le plus grand du sud du Chili, qui accumula une des plus grosses fortunes d'Amérique latine grâce au commerce de la laine.

"Les premiers salésiens n'ont pas nié les massacres, les premiers,  Fagnano et De Agostini, étaient des gens qui étaient sur le terrain, qui ont construit des missions à partir de zéro, et publié dans leurs revues comment ont été exterminés les Indiens. Il y a eu plus tard un changement dans l'historiographie des salésiens. Ceux qui viennent après sont déjà soumis à la puissance économique de Menéndez, alors l’histoire de la colonisation est réécrite, maintenant que les Indiens ont tout simplement disparu "sans intervention des éleveurs", a déclaré Alonso.




MENÉNDEZ EMPIRE

Dans la région de Magallanes, à Punta Arenas spécifiquement, les demeures de la famille Menéndez sont conservées comme des musées, comme la concrétisation, à travers leur faste, de l’âge d'or de la région de Magellan.          
Le livre explique que Menéndez, après un court séjour à Cuba, est arrivé dans notre pays en 1868, et reçut peu de temps après des milliers d'hectares comme   cadeau du gouvernement chilien pour la colonisation dans le sud. L’idée était d'apporter le développement économique dans la région et d'établir des réserves indigènes. Dans ces années Mauricio Braun, un autre immigré, avait également reçu des milliers d'acres, comme Julius Popper en Argentine.

Alonso Marchante note que, dans le cadre d'un investissement important, les familles Menéndez et Braun sont réunies par le mariage de leurs enfants, et des terres des Popper, après une mort étrange par un empoisonnement présumé, sont affectées à Menéndez, transformant ce dernier en maître de toute la Patagonie chilienne et argentine à travers la Société d'Exploitation de la Terre de Feu.



L'empire économique, auquel sont venus s'ajouter banques et transport,  provient du commerce de la laine de mouton  vendue à l'Angleterre en échange de livres sterlings. L'implantation des moutons dans la région entraîne le déplacement du guanaco, animal qui habitait ces régions, et selon le livre, est la source de l'un des plus grands massacres des communautés autochtones, avec tout le pouvoir éditorial de ces années-là pour couvrir le génocide.

L'EXTERMINATION DE LA POPULATION SELK'NAM

"Lorsqu’ils ont commencé à déplacer les moutons, parce que toute la richesse des dynasties économiques était basée sur le bétail de la laine", dit l’historien, "a commencé la nécessité d’avoir d’avantage de terrains pour finalement s’implanter dans le territoire des Selk’nam".
Après l'installation dans la région, le terrain est divisé par des barbelés, et le guanaco se voit cantonné dans des régions plus élevées.    


"Une fois que le guanaco disparaît les Selk’nam commencent à mourir de faim. Quand ils se rendent compte de l'apparition du mouton , ils commencent à se nourrir de cet animal et considèrent cela comme quelque chose de tout à fait normal, ne sachant pas vraiment comment ces moutons sont apparus, et ne connaissant pas le principe de propriété", explique l’historien.





"Quand les Selk'nam commencent à attaquer les moutons, José Menéndez donne l'ordre de les tuer. Ils le font d'abord en les faisant disparaître pour les exterminer, puis commence la chasse des femmes et des enfants, pour les exhiber dans des lieux publics", dit Alonso, qui affirme que c'est longtemps après la présentation des populations indigènes comme des bêtes de cirque, dans ce qu'ont appelé  des "zoos humains".     

La famille Menéndez, en particulier José Menéndez -remarque l'historien- était à l'origine du massacre. "José Menéndez a commencé par prendre comme contremaître et administrateur un certain Alexander Mc Lennan, d'origine écossaise (surnommé Le cochon rouge), qui a été le plus grand tueur de populations autochtones et reconnu pour cela. Il a reçu des ordres directs de José Menéndez, il était son employé". Le livre affirme que pour chaque Indien mort, Menéndez a payé une livre, de sorte que dans la fortune amassée par l'Ecossais, on peut même calculer le nombre d’Indiens tués qui, selon les versions d'autres historiens, pourrait s’estimer à plusieurs centaines, voire des milliers.  "Quand  Mc Lennan a pris sa retraite, José Menéndez lui a donné une montre de luxe en remerciement de  tous ses services", dit-il.     


LA VERSION OFFICIELLE


"J’ai réussi à contacter un arrière-petit-fils d'Alexander Mc Lennan, qui m’a dit qu’on n’avait pas le droit de tuer les Indiens, mais que grâce à son grand-père et à José Menéndez, aujourd'hui il n’y a pas d’Indiens dans Tierra del Fuego et pas de problèmes. Et ils me l’on dit en 2014", rappelle avec étonnement l'historien. Depuis de nombreuses années l'histoire officielle avait pour but de dissimuler les crimes qui ont même été considérés comme un sport.






En 1971, l’historien et descendant du clan, Armando Braun Menéndez, porte- parole des éleveurs, a déclaré que la cause de la mort des Indiens étaient leurs habitudes alimentaires. "Il a souvent été observé à côté des restes d'une baleine, les corps des Indiens, arrivés en retard à la fête, victimes de leur gloutonnerie ignorante" (Braun 1971: 135). Il insiste tellement sur le sujet, qu’il écrit que "leur état physique était si misérable qu’ils ne pouvaient pas supporter leur propre climat".      


Cette conjecture absurde, Alonso explique dans son livre, a frappé l’ethnologue suisse Jean-Christian Spahni, qui a dit: "Mes recherches autour des habitants m’ont montré que le génocide a réellement existé et a été causé justement par les propriétaires qu'Armando Braun essaie de défendre". Un autre des héritiers des propriétaires terriens, l'écrivain préféré de Pinochet, Enrique Campos Menéndez, a même exprimé ses soupçons sur un possible cannibalisme des Selk'nam! L'histoire officielle de la négation du génocide est telle qu'un autre des héritiers, Eduardo Braun Menéndez, a obligé "le scientifique Alexander Lipschutz (Prix National Science 1969) à supprimer toute référence à la chasse autochtone, en tant que préambule à la publication de ses essais dans la revue Science et recherche, qu'a dirigé le petit-fils de José Menéndez".





LA PATAGONIE TRAGIQUE


En plus de l’extermination des onas, le livre d’Alonso touche un autre sujet sensible en Patagonie, qui concerne la tuerie de plus de 1.400 ouvriers chiliens en 1921.
Ces crimes ont été rassemblés dans un livre appelé La Patagonie tragique, publié en Argentine en 1928 par José María Borrero. Dans ce livre, il y avait une dénonciation à chaque page; un peu plus tard, il est devenu un mythe après avoir disparu des librairies. Un deuxième texte, vraisemblablement appelé Orgies de sang, qui selon le mythe racontait les assassinats de 1921, est devenu une légende car on assurait que le manuscrit avait été volé et brulé.
Une partie de cette histoire a été recueillie avec une rigueur scientifique par Osvaldo Bayer, qui a publié La Patagonie rebelle en 1972, un livre témoignage de non fiction qui traitait de la lutte des travailleurs anarcho-syndicalistes en rébellion de la province de Santa Cruz en Patagonie argentine entre 1920 et 1921. Cette histoire a commencé comme une grève contre l’exploitation des ouvriers par leurs patrons, ensuite réprimée par l’armée sous les ordres du lieutenant Héctor Benigno Varela, envoyé par le président du moment, Hipólito Yrigoyen.
"Des centaines de peones des fermes ont été fusillés, la plupart d’entre eux étaient chiliens, mais il y avait aussi des asturiens, argentins, allemands, italiens. Ce sont les deux grandes tragédies de cette histoire, je crois que l’on ne peut pas regarder cette histoire en souriant parce que c’est une histoire tragique, les peuples qui ont habité ces terres pendant des millénaires ont disparu d’une manière brutale, et il y a eu de plus une répression sauvage sur les peones qui ont travaillé ces terres", maintient Alonso Marchante, ; à propos de son livre, Bayer reconnaît que "après cette accumulation de preuves personne ne pourra considérer les version critiques, qui sont nées à mesure que les faits avaient lieu, comme exagérées ou comme un produit de l’imagination".

–¿Comme historien, pensez-vous qu’il y a eu une responsabilité de l’État chilien dans ces massacres? 

–Les peones ont été fusillés par l’armée argentine, mais la plupart d’entre eux étaient chiliens, et les autorités chiliennes non seulement n´ont pas haussé la voix, mais ont aussi collaboré avec les autorités argentines pour garder le silence. Ceci a été démontré par Osvaldo Bayer il y a longtemps, quand il a découvert que les carabiniers chiliens amenaient même les peones en Argentine, où l’armée de ce pays les a fusillés.  Il est vrai que ces faits ont eu lieu il y a presque un siècle, mais les États doivent les reconnaître. En Argentine, dans la zone où les fusillades ont eu lieu, dans chaque quartier où il y a eu un centre de détention il y a des plaques qui identifient que dans ces lieux des gens ont été tués. Je ne connais aucun hommage à ces peones de la part des autorités chiliennes.